juin 5, 2018
juin 5, 2018

Le critère de Kelly, deuxième partie : le critère fractionné

Le problème du critère de Kelly intégral

L'aversion à la perte et le critère de Kelly

L'aversion à la perte sous le prisme de l'évolution

Affiner le critère de Kelly à l'aide de fractions

Le critère de Kelly, deuxième partie : le critère fractionné

Le critère de Kelly est à l'origine de bien des débats parmi les parieurs. De nombreux articles sur le sujet ont déjà été publiés sur Pinnacle, de la simple explication à l'analyse complexe. Quel est le principe de l'approche fractionnelle du critère de Kelly, et s'agit-il de la meilleure option pour les plus gros parieurs ? Pour le savoir, lisez cet article.

Dans mon article du mois dernier, je détaillais l'utilisation du critère de Kelly en tant que moyen de gestion financière. Pour rappel, Kelly conseille de miser proportionnellement à la probabilité de victoire et à l'avantage que vous pensez avoir par rapport à la cote du bookmaker.

Étonnamment, il semble que Kelly ait été capable de compenser les risques liés à la difficulté de l'évaluation précise de l'avantage, tant que celle-ci est juste en moyenne. Toutefois, il semble clair que Joe Peta avait raison lorsqu'il écrivait dans son analyse du critère de Kelly : « quel que soit le rendement escompté que vous calculez, votre variance sera ridiculement élevée (…) et (…) "ininvestissable" ».

Ce second article a pour but de déterminer les moyens disponibles pour réduire ces risques de variance et leur impact sur la profitabilité attendue.

Le problème du critère de Kelly intégral

Une critique fréquente du critère de Kelly pointe du doigt la progression des fonds, dont la croissance serait erratique, les profits étant régulièrement minés par d'importantes pertes. En d'autres termes, l'évolution des fonds serait instable.

Si l'on se repenche sur la méthode de calcul du critère de Kelly (avantage -1 / cotes -1), on remarque l'apparition d'importantes périodes de déclin lorsqu'une cote faible, censée être plus prometteuse, se révèle perdante.

Prenons l'exemple d'un match de Ligue 1 du mois dernier. Un bookmaker concurrent a établi la cote du PSG à 1,35 pour son match contre Caen, là où Pinnacle avait placé cette même cote à 1,20. En arrondissant, cela implique un avantage attendu de 11,5 % (en supposant que la valeur de Pinnacle soit la plus juste) et un taux de Kelly de 32,8 %.

Le match entre Caen et le PSG s'est terminé sur une égalité et presque un tiers des fonds d'un critère de Kelly se seraient envolés en un seul pari. Il s'agit du genre de revers que la plupart des parieurs ne sont pas prêts à accepter, même si d'autres opportunités, capables de générer un gain de la même importance, existent.

On déplore les pertes plus qu'on ne célèbre les gains

Pour beaucoup, même parmi ceux prêts à prendre des risques, la douleur d'une telle perte sera beaucoup plus importante que le plaisir engendré par des gains équivalents. Dans son livre Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée, Daniel Kahneman détaille ce processus à l'aide d'une simple expérience théorique.

A) On ajoute à votre richesse actuelle la somme de 1 000 $. Vous avez le choix entre deux options :

1) Avoir 50 % de chances de gagner 1 000 $ supplémentaires

2) Gagner 500 $ de manière certaine

B) On ajoute à votre richesse actuelle la somme de 2 000 $. Vous avez le choix entre deux options :

1) Avoir 50 % de chances de perdre 1 000 $

2) Perdre 500 $ de manière certaine

En termes de richesse absolue, le résultat final des situations A et B est le même. Si vous choisissez l'option la plus sûre, dans un cas comme dans l'autre, votre richesse actuelle se trouve augmentée de 1 500 $. Si vous choisissez de prendre un risque, vous gagnerez 1 000 ou 2 000 $ selon le résultat. Quel serait votre choix ?

Lorsque Kahneman et son collègue, Amos Tversky, ont mené à bien l'expérience, ils ont découvert que la majorité des sujets préféraient éviter le risque (et donc prendre l'option la plus sûre) lorsqu'on leur proposait un gain en A, et favoriser le risque (et donc prendre le pari) lorsqu'on leur proposait une perte, en B.

Des problèmes aux données identiques devraient susciter des décisions identiques. Puisque ce n'est pas le cas ici, on peut considérer que les sujets agissent de façon irrationnelle. L'explication est la suivante : les problèmes A et B disposent de points de départ, ou référentiels, différents.

En A, on augmente la richesse initiale de 1 000 $. En B, on l'augmente de 2 000 $. Selon Kahneman, le peu d'importance accordé à ces référentiels indique que notre attitude vis-à-vis des gains et des pertes ne découle pas de notre évaluation des richesses absolues, mais des richesses relatives. Et, en termes d'utilité des gains et des pertes, notre goût du gain est surpassé par notre dégoût des pertes.

Accepteriez-vous un pari ayant 50 % de chances de réussir et qui pourrait soit augmenter, soit réduire votre mise d'un tiers ? Si, comme une majorité de gens, votre réponse est non, alors vous faites preuve d'aversion à la perte. Quelle probabilité de victoire serait susceptible de vous faire changer d'avis ? 60 % ? 70 % ? 95 % ? Encore plus ?

L'aversion à la perte sous le prisme de l'évolution

Du point de vue de l'évolution, il n'est pas étonnant de constater que les pertes nous motivent davantage que les gains. Ainsi que l'a expliqué Kahneman, les êtres vivants capables d'évaluer les menaces avant de considérer les opportunités ont des chances plus élevées de survivre et de se reproduire.

Puisque nous représentons les gagnants de notre évolution (sans quoi nous ne serions pas là), il semble évident que l'aversion à la perte constitue une adaptation préférentielle découlant de la sélection naturelle.

Via l'évolution, nos neurones sont devenus plus réceptifs aux changements de stimuli relatifs, plutôt qu'à ceux des valeurs absolues. Il est aisé de le constater par soi-même à l'aide de trois verres d'eau, l'un chaud, l'autre froid, et le dernier tiède.

On laisse sa main gauche dans le verre d'eau chaude, et la droite dans le verre d'eau froide durant une minute, avant de plonger les deux simultanément dans le troisième verre. Bien que les deux mains soient exposées à une température similaire, la gauche paraîtra plus froide et la droite plus chaude, en raison des deux référentiels différents auxquels on a exposé chaque main.

Affiner le critère de Kelly à l'aide de fractions

Si notre prédisposition à l'aversion à la perte rend forcément les risques associés au critère de Kelly si importants lorsque celui-ci est utilisé de manière intégrale, la solution la plus évidente semble être de réduire la hauteur du taux de Kelly. Mais quelle sera au juste l'influence de cette technique sur la rentabilité de cette stratégie de gestion financière ?

De nombreuses sources suggèrent qu'en réduisant de moitié le taux du critère de Kelly, le parieur peut réduire l'instabilité de l'évolution de ses fonds de manière significative tout en assurant la majeure partie des gains attendus. Vérifions cette assertion à l'aide de simulations.

En suivant la même série de 250 paris à 50-50 où le parieur détient un avantage de 4 % (taux de victoire estimé de 52 %), le premier graphique ci-dessous nous donne l'exemple d'une simulation.

On compare quatre taux différents : un Kelly intégral, un demi Kelly, un quart de Kelly et un huitième de Kelly. Si le Kelly intégral se situe à 8 %, alors le demi, le quart et le huitième seront respectivement à 4, 2 et 1 %. Sans surprise, l'instabilité, ou variance, de l'évolution des fonds est la plus importante avec le Kelly intégral, et la plus faible avec le huitième.

kelly-p2-in-article1.jpg

Le graphique suivant montre que dans le cas d'une performance plus chanceuse que prévu, le Kelly intégral donne de bien meilleurs résultats relatifs que ses alternatives fractionnées.

kelly-p2-in-article2.jpg

Mais, de la même façon, en cas de malchance, le Kelly intégral provoque les pertes les plus importantes. Le troisième graphique ci-dessous montre une série de dix échecs consécutifs, entraînant une réduction des fonds de 30 %. Pour un huitième de Kelly, cette réduction n'est que de 3,75 %. Comme expliqué plus haut, ce genre de pertes est considéré comme inacceptable par la plupart des parieurs, en dépit de gains potentiels plus élevés en cas de Kelly intégral.

kelly-p2-in-article3.jpg

Mais ces exemples ne constituent que trois possibilités pour un parieur détenant un avantage de 4 %. Afin de dégager une moyenne, nous allons utiliser une simulation de Monte Carlo.

J'ai exécuté 10 000 simulations de Monte Carlo afin de comparer les quatre plans fractionnés de Kelly et de déterminer leurs chances de réduire vos fonds de départ. Souvenez-vous que dans 14 % des cas environ, les fonds sont réduits à moins de 60 % de leur montant initial, validant ainsi la critique formulée par Joe Peta à l'encontre de la stratégie.

Dans cette nouvelle simulation, le résultat est recalculé en tenant compte des limites du hasard. L'ensemble des probabilités est présenté dans le tableau ci-dessous.

Probabilités de Kelly fractionné

Fonds d'arrivée

Kelly intégral (4 %)

Demi Kelly

Quart de Kelly

Huitième de Kelly

<100 %

38 %

34 %

29 %

29 %

<80 %

25 %

12 %

2 %

0 %

<60 %

15 %

2 %

0 %

0 %

<40 %

5 %

0 %

0 %

0 %

<20 %

0 %

0 %

0 %

0 %

Bien que réduire l'importance des taux de Kelly n'influence pas de manière significative la probabilité de faire des profits après 250 paris à 50-50, cette méthode vous protège contre les pertes supérieures à 20 %.

Réduire le taux de Kelly de moitié divise également par deux la probabilité de perdre 20 % de vos fonds. Le réduire une nouvelle fois de moitié fait quasiment tomber cette possibilité à zéro. Pour des pertes de 40 %, la limitation du risque est encore plus importante. Mais quel est l'impact de cette méthode sur les profits attendus ?

Le tableau suivant montre les fonds moyens et médians après 250 paris pour chacune des quatre stratégies.

Fonds après 250 paris

Fonds d'arrivée

Kelly intégral (4 %)

Demi Kelly

Quart de Kelly

Huitième de Kelly

Moyenne

147

121

110

105

Médiane

122

116

109

105

Si le profit moyen pour un demi Kelly est très inférieur à celui d'un Kelly intégral, la prévision médiane n'est, quant à elle, plus basse que d'un quart. Souvenez-vous que la prévision des profits moyens est faussée sur les plans de mises proportionnels en raison d'une poignée de fonds d'arrivée extrêmement élevés. Pour cette raison, la médiane constitue une meilleure représentation de la réalité. Une médiane de 116, par exemple, implique qu'environ 50 % des fonds d'arrivée seront égaux ou inférieurs à 116, et qu'environ 50 % seront supérieurs à cette valeur. Il semblerait donc que réduire les risques en divisant par deux (ou plus) le taux de Kelly constitue une méthode rentable.

Ce dernier tableau montre les résultats d'une seconde simulation de Monte Carlo où le parieur détient un avantage de 8 % (avec une probabilité de victoire de 54 %). Les conclusions sont à peu près les mêmes : il est possible de réduire le risque d'échec de manière significative en ne sacrifiant qu'une petite partie des gains (médians) espérés.

Kelly fractionnel

Fonds d'arrivée

Kelly intégral (4 %)

Demi Kelly

Quart de Kelly

Huitième de Kelly

<100 %

28 %

16 %

13 %

11 %

<80 %

20 %

9 %

3 %

0 %

<60 %

13 %

4 %

0 %

0 %

<40 %

9 %

1 %

0 %

0 %

<20 %

2 %

0 %

0 %

0 %

Moyenne

500

224

150

122

Médiane

223

182

142

121

L'utilisation d'une version fractionnée du critère de Kelly constitue-t-elle la meilleure méthode pour parier ?

Le critère de Kelly fractionnel semble offrir au parieur une solution à l'instabilité inhérente à la version intégrale de la méthode sans pour autant sacrifier une partie trop importante de l'avantage que la stratégie de Kelly apporte en comparaison des paris à cotes fixes. Pour ceux ayant une aversion aux pertes importantes, c'est une bonne nouvelle.

Comme toujours, la véritable question est de savoir si vous détenez réellement un avantage sur les cotes publiées ; le croire et le savoir sont deux choses différentes. Ne laissez pas un excès de confiance à ce sujet vous poser problème.

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